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Quelques sites et certains élus évoquent depuis plusieurs mois l'existence d'un traité qui attire l'attention, car les négociations qui l'entourent sont très opaques. Ce traité, l'ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement), négocié dans le plus grand secret et en dehors des institutions internationales officielles, concerne les droits de propriétés intellectuelles. Le
texte s'harmonisant autour de la lutte contre tous les "biens contrefaisant des droits de propriétés intellectuelles", son champ d'application s'avère assez large, avec des enjeux sanitaires, pharmaceutiques non négligeables, mais aussi des répercussions possibles en terme de libertés numériques. Le journaliste Florent Latrive, qui a publié un article relatif à l'ACTA dans le Monde Diplomatique du mois de mars, résume ainsi le projet global de l'ACTA : "L'accord anti-contrefaçon représente le dernier avatar d'une évolution du droit international en faveur d'une protection accrue de la propriété intellectuelle, au détriment des grands équilibres historiques du droit d'auteur et des brevets, dont le principe, rappelons-le, est de favoriser inventeurs et artistes".

Les précédents traités relatifs aux droits de la propriété intellectuelle ne sont effectivement pas de nature à rassurer. Il faut remonter un peu dans le temps et se tourner vers les États-Unis. En 1996, l'administration Clinton avait adopté un Traité de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) relatif au droit d'auteur1. Peu soucieux des préoccupations de la société civile, ce texte actait principalement les volontés des lobbies. Deux ans plus tard, c'est au tour du DMCA (Digital Millennium Copyright Act). Le but est toujours le même : lutter contre les violations du droit d'auteur. Sauf que cette loi s'est avérée particulièrement liberticide (censure de résultats sur Google par exemple), freinant la recherche et renforçant le copyright au détriment du domaine public. Le DMCA deviendra en 2006, dans la législation française, la DADVSI...

L'ACTA fait quant à lui l'objet de négociations entre de nombreux États : l'Australie, le Canada, les États-Unis, l'UE, le Japon ou encore la Suisse. Le problème pour l'ACTA reste le flou qui l'entoure. Le traité est en négociation depuis près de trois ans, et les premiers éléments ne filtrent que maintenant. Le texte avait fait naître un certain nombre de craintes quant aux méthodes employées dans la limitation du droit de la propriété intellectuelle sur Internet. La possibilité d'une généralisation de la riposte graduée, d'un filtrage d'Internet par le biais des Fournisseurs d'Accès à Internet (FAI) a été envisagée, même si de telles options semblent s'éloigner. Mais Internet n'est pas le seul terrain d'application du traité. Les enjeux sont aussi sanitaires. Les législations relatives aux médicaments varient effectivement en fonction des pays. L'Inde produit notamment de nombreux médicaments génériques à destination des pays africains, médicaments légaux en Inde et en Afrique, mais pas en Europe où les règles sont beaucoup plus strictes et les produits saisies par les douanes. L'ACTA envisagerait de généraliser ces mesures de blocage. Florent Latrive cite dans son article le cas d'un chargement de quarante-neuf kilos de molécules anti-VIH génériques en partance pour le Nigeria, bloquées aux Pays-Bas en février 2009. Avec la remise en cause du transit des médicaments génériques dans le monde, c'est aussi la santé des populations pauvres d'Afrique et d'Amérique du Sud qui entre en ligne de compte.

Quoi qu'il en soit, le traité est loin de faire l'unanimité, notamment à cause de son opacité et du retour possible de la riposte graduée. Le Parlement européen s'est montré récemment très critique.



Autres liens :

Le chapitre deux de l'ACTA révélé
. Où il apparaît notamment que l'une des raisons d'être de l'ACTA serait de renverser l'OMPI, jugée désormais trop souple.

La fiche Wikipédia relative au traité.

"Acta : le texte intégral révélé par la Quadrature du Net" (en anglais)
.


Note :

1 : à propos de l'OMPI, voir La bataille Hadopi, le chapitre "un peu d'histoire", InLibroVeritas, 2009.




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